Ce jeudi 31 mars, les technologies numériques et les inégalités sociales numériques figuraient au cœur des débats à l’UPA. Deux moments ont marqué cette journée thématique. En matinée, des apprenant·es des cours de Français Langue Etrangère (FLE) et d’informatique de l’UPA et d’Infor-Femmes se sont réunis dans nos locaux. Un dispositif d’animation a permis d’échanger autour des usages des outils numériques et d’en tirer quelques constats. En soirée, des médias du GSARA ont amorcé des moments d’échange et de débat avec les acteurs et actrices de terrain en présence, des bénévoles et travailleur·euses du secteur associatif.
Une matinée avec les apprenant·es
En matinée, le dispositif d’animation proposé par l’UPA et Infor-Femmes proposait à la quinzaine de participant·es présents une courte projection, un débat mouvant, des tables de discussions et un moment de clôture en plénière. Ces échanges ont mis en lumière quelques constats, au départ des paroles et expériences des apprenant·es.
Si la majorité des participant·es semblent disposer de supports numériques (smartphone et/ou ordinateur, essentiellement) et d’une connexion à internet à la maison (la moitié a accès à la 4G), la non accessibilité matérielle semble se situer davantage dans la qualité des supports (« On choisit des smartphones pas trop chers, mais alors ils tombent en panne »).
A la question « Les technologies numériques me facilitent la vie pour… », les réponses concernent une série de services en ligne (prise de rendez-vous, démarches administratives et bancaires) et des outils pratiques de type traduction en ligne, GPS, horaires des transports en commun, tutoriels… ou de loisirs (vidéos). Communiquer avec la famille (à un moindre coût, via Whatsapp, par exemple) et garder le contact avec son entourage vivant à l’étranger font aussi partie des facilités induites par les technologies numériques. S’informer (dans sa langue) ou faire du commerce en ligne ont également été évoqués.
Des difficultés ont surgi à plusieurs reprises au travers de la seconde question posée au groupe, à savoir : « Les technologies numériques, c’est difficile pour moi, parce que… ». Si une certaine autonomie semble se dessiner dans l’usage des outils du numériques, elle est à prendre avec des pincettes. Cette marche vers l’autonomie semble revêtir des allures de marche forcée (« Parce qu’il n’y a pas le choix » ; « On est obligé » ; « C’est eux (banque, commune…) qui ont fermé tous les guichets, qui poussent à aller sur internet »). Certaines personnes expliquent encore avoir recours à l’aide de proches ou d’associations pour parvenir à effectuer toute une série de démarches (installer une application, utiliser sa boite mail, résoudre un bug informatique, effectuer un versement en ligne…). Parfois aussi, le sentiment d’être dépossédé d’une partie de soi (« Avec les ordonnances sur la carte d’identité, on ne voit plus rien, on ne sert plus à rien ») est évoqué. L’accès à la langue apparaît également comme un des freins à une bonne utilisation des outils numériques.
Autre conséquence du numérique exprimée à plusieurs voix : le manque de contacts humains, induit par exemple par les services « e-guichets » en nette augmentation. La majorité écrasante des personnes ayant participé à cette matinée dit d’ailleurs préférer passer par un guichet où une rencontre en face-à-face est possible. Ce qui implique un déplacement pointé comme bénéfique en terme de contacts sociaux (« Aller à la commune, ça permet de voir des gens, des enfants, il y a du monde »).
L’isolement social induit par le numérique est déploré. Une forme de repli sur soi qui s’immisce au sein même des famille (« Chacun reste enfermé dans sa chambre, derrière son écran »). Un isolement qui a un impact sur la santé, mentale et physique (« Ça ne va pas de rester à la maison toute la journée derrière son écran »). Parmi les participant·es, les parents s’inquiètent également de l’impact des technologies numériques sur leurs enfants et du contrôle parental nécessaire (« C’est plus de responsabilités pour les parents »). Des questionnements, voire une certaine méfiance, ont surgi aussi concernant la protection des données personnelles et les fake news.
Des échanges nourris ont émergé autour de la disponibilité constante induite par les outils numériques (« On doit être disponible tout le temps et très vite » ; « Si on ne répond pas, les gens se fâchent ») et d’une nouvelle forme de contrôle social, de surveillance les un·s les autres. La question du temps considérable passé sur les supports numériques interroge, elle aussi. Ces supports font peut-être gagner du temps, d’un côté, mais en font perdre aussi beaucoup, de l’autre (« Il faut faire la guerre avec soi-même, pour laisser de côté son téléphone et faire autre chose, lire, passer du temps avec ses enfants, ses proches »).
Cette matinée s’est clôturée sur quelques pistes d’actions possibles, qui seront complétées dans les semaines qui viennent et feront l’objet d’une publication avec des adresses utiles et ressources pratiques. Cette publication sera distribuée à l’ensemble des participant·es à cette matinée et d’autres apprenant·es qui en feraient la demande.
Une soirée avec les acteurs associatifs
Ouverte à toutes et tous, la soirée consacrée aux inégalités numériques, s’est ouverte sur la projection d’une interview de Périne Brotcorne (UCLouvain), réalisée dans le cadre de la campagne Fracture numérique, en rééducation permanente du GSARA. Les constats de la matinée, récoltés par Infor-Femmes et l’UPA, ont également été présentés. L’écoute du podcast « Les sirènes du Merlo », issu de la même campagne, a quant à elle emmenée les participant·es au pied d’un logement social, entre bugs incongrus et numérisation des rapports sociaux.
Entre ces découvertes de médias, les échanges se sont installés spontanément, témoignant des nombreuses interrogations subsistant encore sur le terrain associatif. Les difficultés rencontrées par les acteurs et actrices en présence (des bénévoles et travailleur·euses d’associations actives en éducation permanente et cohésion sociale) se sont racontées : comment outiller les publics avec peu de moyens, comment faire pression au niveau politique pour éviter le « tout numérique », excluant, déshumanisant… ? Quelques bonnes pratiques se sont échangées ça et là, grâce notamment à la présence d’une représentante de CABAN, Collectif des Acteurs Bruxellois de l’Accessibilité Numérique. Ces moments de débat ont permis aussi de faire des ponts avec la revue de l’UPA, La Mauvaise Herbe, dont le dernier dossier s’est penché sur les inégalités numériques (accessible gratuitement en ligne).
Merci aux partenaires de cet événement : Infor-Femmes et GSARA.
> Retrouvez la présentation et le programme complet de cette soirée ici.