Pour Elise, il était important de garder un contact avec les apprenants du cours de Français Langue Etrangère (FLE). Dès le début du confinement, elle a pris contact avec eux pour leur expliquer que les cours seraient suspendus pendant une période plus ou moins longue. Depuis, elle les contacte régulièrement pour savoir comment ils vont.
Mon premier réflexe a été de contacter les apprenants FLE pour les prévenir de la suspension des cours. Quelques jours plus tard, j’ai essayé de mettre en place différents moyens pour maintenir le niveau de français des apprenants. Les projets sur lesquels je travaille avec les apprenants sont toujours en cours et je prévois de les terminer à la rentrée.
L’idée est de maintenir le lien et de continuer de faire vivre le cours et les projets sur lesquels nous travaillions. Je le fais grâce à WhatsApp parce que la plupart des apprenants n’ont pas d’ordinateur. Donc je les contacte soit par groupe soit individuellement. J’ai testé plusieurs supports d’apprentissage : photo d’un manuel, lien vers des manuels en ligne, messages audios, vidéos YouTube. Et puis j’ai commandé un tableau blanc pour réaliser chez moi des capsules vidéo de mini leçons, que je leur envoie ensuite sur WhatsApp.
En mars et avril nous avons révisé les connaissances acquises en présentiel, et à partir du mois de mai – au vu du prolongement de la situation – nous avons abordé le passe composé via une petite vidéo que j’ai réalisée moi-même. L’idée de donner des cours à distance ne m’enchante pas trop, car je suis moi-même des cours d’italien qui sont maintenant donnés en ligne, et je remarque les limites de cet outil. Après deux mois de cours à raison de 2h par semaine, c’est devenu très difficile d’être assidue en plus du télétravail.
La difficulté liée au confinement, c’est que comme je ne suis pas sur le terrain. Je n’ai pas la même excitation, la même adrénaline ni même la même énergie de travail. En temps normal je suis sur le terrain, j’ai des contacts humains… C’est quand même la base du métier de professeur : échanger, être dans le contact.
Le point positif, tout de même, c’est que cela me permet de prendre un peu de recul sur nos programmes, et de la hauteur sur les activités de la filière pédagogique. Cela permet également d’approfondir mon travail de coordination. Le confinement est propice à la réflexion : cela m’a apporté une certaine satisfaction intellectuelle, d’être dans des conditions qui permettent de réfléchir au pôle transmission, de travailler avec Nicolas (coordinateur du pôle pédagogique enfant à l’UPA) en profondeur sur nos projets respectifs. Ce confinement me permet aussi de préparer la prochaine année scolaire 2020-2021 et de concevoir et d’écrire les prochains appels à projet. Cependant, le travail d’équipe et le fait d’être sur le terrain me manquent.
Comment vis-tu le confinement ?
Je vis le confinement comme tout le monde…. J’essaye de voir comment garder le contact avec mes proches, de trouver une manière adéquate de communiquer avec eux, et de maintenir le lien. Que ce soit avec la famille, les amis ou avec mes collaborateurs.
Tout nous est tombé dessus du jour au lendemain, et puis ça a été progressif. Chaque nouvelle annulation d’activité a été un coup. Un premier événement mi-mars a été annulé, puis tout ce qui était programmé sur mars et avril...
Je suis tombée malade, sans doute une version légère du corona.. Mais rien de grave, et j’étais suivie par mon médecin à distance.
Quel est et quel sera l’impact de la crise sanitaire sur ton activité professionnelle ? Pourrais-tu décrire la situation du secteur artistique plus généralement?
Tous les événements publics jusqu’au mois d’août sont annulés. Donc tous mes projets sur cette période également, notamment une nouvelle création que je présentais en avril. En fait, on savait qu’il allait y avoir des chamboulements mais les annonces d’annulation se sont faites progressivement : mars, avril, puis mai… et maintenant tout l’été !
Le souci est que, lorsqu’on annule un festival par exemple, la plupart des collaborations et des partenariats sont également annulés. Un festival, c’est une organisation qui se fait des mois, un an en amont. C’est donc tout un travail participatif qui tombe à l’eau… Ce n’est pas en soi uniquement une question d’argent qu’on ne va pas recevoir qui pose problème, mais c’est tout le travail réalisé en amont qui est mis à mal. Un travail qui se met en place au fil des mois et tout est brusquement chamboulé. A titre professionnel c’est donc un coup dur pour tout le secteur artistique et culturel. Et puis il y a toutes les personnes qui sont liées à ce milieu qui en subissent les conséquences et qui traversent un moment difficile aussi. Les équipe techniques, les personnes dont le travail dépend de ces événements – je pense aux métiers ambulants qui font du catering pour les festivals, la sécurité… l’impact est énorme.
D’un point de vue financier, je suis moyennement touchée étant donné que je suis sous le régime du statut d’artiste. Il y a évidemment des rentrées sur lesquelles je comptais, mais je ne suis pas en difficulté. Beaucoup d’artistes sont par contre indépendants. Donc si toutes les activités s’arrêtent du jour au lendemain, c’est compliqué pour eux. L’annulation des événements a un gros impact au niveau professionnel et financier pour les artistes et tous les métiers qui gravitent autour.
Aussi, je pense que la culture est tout aussi importante que le reste, et le fait d’être coupé d’événements, de sorties culturelles pendant longtemps a un impact sur la vie des gens : ne pas aller à un concert, au cinéma, … Le virtuel ne remplacera jamais le live, on peut faire une visite de musée en ligne mais ça ne remplacera pas l’impact émotionnel de voir l’œuvre en vrai.
Est-ce que tu as tenté de reprogrammer certaines de tes activités en ligne ? Te semble-t-il possible de maintenir un certain contact, par ce biais, avec tes partenaires et ton public?
Pour ma part, je n’ai pas mis en place d’activités virtuelles. J’ai organisé des moments de télétravail avec certains de mes collaborateurs, de manière à de garder le fil et à réfléchir sur ce qui nous arrive ensemble, et voir comment on envisage la suite. Il y a des choses qu’il sera possible de continuer et d’autres non. Le travail artistique c’est une dynamique, c’est organique. Une chose en engendre une autre, et c’est en vivant les choses que d’autres arrivent. Donc en télétravail on ne peut pas faire grand-chose de créatif. On se rend compte qu’on tourne en rond. On a besoin de se rencontrer car la musique est un art qui se vit ensemble. Les peintres, les auteurs sont peut-être plus solitaires dans leur travail, ils ont peut-être moins ce besoin d’être en lien pour créer, quoique, il y a beaucoup d’auteurs, de peintres et scénaristes qui vont dans des lieux publics pour écrire ou pour l’inspiration. Donc finalement le lien humain est fondamental pour la création.
De quoi est fait ton quotidien d’artiste, en ce moment ? As-tu des perspectives concrètes pour la suite ?
En ce moment, on essaie de régler les histoires d’annulations, et on travaille à l’aveugle parce qu’on ne sait pas comment les choses vont évoluer. Est-ce qu’il faut reporter les événements à septembre, décembre ? Certains disent qu’il n’y aura pas d’événements publics avant 2021. Tout cela ne nous permet pas de nous projeter de manière claire et concrète, mais on essaie de le faire quand même.
Est-ce que tu tires tout de même quelque chose de positif de cette expérience ?
Ce qui est fondamental dans ce que je mets en place c’est la réflexion sur notre travail, une réflexion que chacun peut avoir. Je profite de ce moment d’enfermement pour être dans une sorte de réflexion sur le sens des choses et voir vers où je vais dans mon travail artistique. C’est une chose qu’on n’a pas souvent le temps de faire quand on est dans la course du boulot. Je dirais que le point positif de ce confinement c’est qu’on peut se laisser porter par la méditation, la contemplation et la réflexion.
Je vais bien mais pas trop, je sors seulement pour faire des courses et je regarde régulièrement les informations pour voir comment les choses évoluent. Je fais un peu de sport le soir et il m’arrive de lire, mais pas énormément. Au début du confinement, je faisais beaucoup d’exercices avec Elise sur WhatsApp, mais cela fait quelque temps que je ne réponds plus trop aux messages, je ne suis plus très motivée… Parfois il m’arrive d’étudier un peu quand j’ai le moral, je regarde des vidéos en français sur YouTube et je lis un peu. Je pense beaucoup à ma famille au Maroc et surtout à mes enfants qui sont loin (une de mes filles vit seule à Bordeaux et une autre vit à Valence). Je pense tous les jours à elles et cela m’inquiète qu’elles soient si loin de moi. Si jamais une de nous tombe malade je ne pourrais rien faire, car on ne peut pas se voir et c’est très difficile pour moi. J’ai une troisième fille à la maison qui est en dernière année d’étude, elle est actuellement en blocus et ce n’est pas évident pour elle car elle avait l’habitude d’aller étudier en bibliothèque, de plus ses examens seront en ligne, elle ne sait pas trop comment cela va se passer. Tout cela m’attriste, et j’ai vraiment envie que ça se termine. Mon mari me change un peu les idées mais je reste très inquiète pour mes enfants. J’ai hâte que tout revienne à la normale.
Habiba
Je vais bien et je respecte le confinement. Je reste à la maison et je ne sors que pour faire les courses. Je surveille les enfants et j’attends des nouvelles de l’UPA, car j’aimerais savoir quand on va reprendre les cours. Je parle souvent avec le groupe sur WhatsApp. Parfois je regarde la télévision pour regarder le journal, puis je lis, je fais beaucoup de choses, je n’étudie pas beaucoup mais je m’occupe. Tu sais quand on est à la maison avec les enfants, on fait beaucoup de choses : le ménage, on prépare à manger, on fait la vaisselle et on s’occupe des enfants. Franchement ce n’est pas facile, parfois ils n’écoutent pas ce qu’on leur dit, tu connais ça aussi…
Béatrice
Je ne fais pas grand-chose depuis le confinement, j’étudie un peu mais pas trop, peut être un jour sur deux. Au début je parlais tous les jours avec Elise par message sur WhatsApp mais pendant les vacances de Pâques on ne parlait plus beaucoup… J’ai eu quelques nouvelles de Mohamed et Walid parce que je les croise parfois dans le quartier. Mes journées se ressemblent : je me réveille, je me fais un café, je me repose à la maison parfois je sors un peu puis je rentre, j’étudie un peu mais pas longtemps, je regarde le journal pour passer le temps. Ce qui compte c’est que je suis en bonne santé et ma famille aussi, c’est le plus important.
Ahmed
Je suis fatiguée, j’ai mal au dos, je ne sors pas et ma femme non plus. Nous sommes deux à la maison, on ne voit pas nos enfants ni nos petits-enfants. Je sors une demi-heure par semaine parce que c’est très dangereux. Je connais des gens qui sont tombés malade et certains ont dû être hospitalisés ; des membres de ma famille qui habitent en Hollande sont décédés du Coronavirus, donc je fais très attention. Je ne fais pas beaucoup de français, j’essaye de lire un peu et quand je n’y arrive pas, j’abandonne. J’ai plus de 60 ans, je ne me souviens plus trop de ce que j’apprends.
Mohamed